L’article “Productions en série vers 1500 avant notre ère…” par Gabillot et al. vient d’être publié par la Société Préhistorique Française.

Les échanges probables à l’âge du Bronze

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L’article “Productions en série vers 1500 avant notre ère – Des règles de fabrication au Bronze moyen entre la Manche et les Alpes à la lumière d’une étude morphométrique” par  Gabillot, M., Monna, F., Alibert, P., Bohard,
B., Camizuli, E., Dommergues, C.-H., Dumontet, A., Forel, B., Gerber, S., Jebrane, A., Laffont, R.,  Navarro, N., Specht, M., et Chateau, C., vient d’être publié dans les Séances de la Société préhistorique française, 2017, 10, p. 19-31.

Parmi les productions métalliques connues de l’âge du Bronze en Europe, certaines sont considérées comme des productions en série et sont nommées comme telles. Il s’agit en particulier des lames de haches à talon du Bronze moyen au milieu du deuxième millénaire avant notre ère, produites et utilisées massivement en Europe occidentale. L’article présenté ici résume plusieurs travaux entrepris sur ces haches, en appliquant une approche morphométrique.

Résumé : Parmi les productions métalliques connues de l’âge du Bronze en Europe, certaines sont considérées comme des productions en série et sont nommées comme telles. Il s’agit en particulier des lames de haches à talon du Bronze moyen au milieu du deuxième millénaire avant notre ère, produites et utilisées massivement en Europe occidentale. Ces objets sont le plus souvent retrouvés en contexte de dépôt, c’est-à-dire qu’ils ont été retirés du circuit de production, qu’ils ont échappé à un éventuel recyclage, puis ont été volontairement rassemblés et enfouis sous terre. On les retrouve entiers, bruts ou prêts à l’emploi. Ils forment des ensembles homogènes de quelques objets ou de plusieurs dizaines, voire de centaines de pièces. De tels ensembles ont d’emblée suscité de nombreuses questions d’interprétation mais de toute évidence, les artisans bronziers protohistoriques ont cherché à reproduire à l’identique les modèles qu’ils avaient conçus. Une simple observation macroscopique montre une recherche des mêmes formes et des mêmes décors, ce qui donne souvent l’impression d’une grande homogénéité de la production de cette période. Il existe même de nombreux exemples de lames de haches dont on peut affirmer qu’elles ont été produites dans le même moule. Pourtant, si l’on examine la production d’un type dans son ensemble, c’est-à-dire tous les exemplaires considérés comme appartenant à ce même type, il existe, même à l’oeil nu, des disparités – notamment de forme – assez importantes. La question est alors de savoir dans quelle mesure les types identifiés à l’oeil nu sont réellement cohérents, autrement dit de mesurer le degré de précision dans la reproduction à l’identique des objets si nombreux et ce, au sein d’un territoire très vaste (plusieurs milliers de km2). Au-delà de cette question, il s’agit de comprendre les processus de fabrication des objets métalliques au milieu du deuxième millénaire avant notre ère, entre la Manche et les Alpes. Pour répondre à cette problématique, l’observation macroscopique ne suffisant plus, nous nous sommes attachés à mettre en oeuvre des méthodes issues des sciences du vivant, qui utilisent depuis longtemps des outils et des analyses mathématiques permettant de comparer des populations entre elles à partir des formes des individus qui les composent. Jusqu’à présent, nous avons sélectionné deux méthodes principales : la transformée en cosinus discrète (TCD) et les polynômes orthogonaux. L’emploi de ces techniques d’analyse nous permet de quantifier ce que l’on observe à l’oeil nu. Ces études ont tout d’abord montré que pour une même famille d’objets, ici les lames de haches dites « à talon », les deux types différents – distingués par leur répartition géographique (type normand et type breton) – avaient une réelle validité statistique en termes de forme, avec toutefois un chevauchement dans l’espace morphométrique. Ce fait prouve que les populations protohistoriques avaient conscience de leur appartenance territoriale, ici la péninsule armoricaine (type dit « breton ») et la vallée de la Seine (type dit « normand ») et qu’elles cherchaient à reproduire un modèle établi. Ces méthodes statistiques permettent également de quantifier la variabilité de forme présente dans chacun des types ; on voit donc bien que l’important est de se rapprocher d’une forme qui porte une signification spatiale et donc culturelle, même s’il ne s’agit pas d’exactes reproductions. Dès lors que l’on s’éloigne des zones de plus grande concentration géographique, on trouve des exemplaires qui ont l’aspect des modèles standards, mais qui se retrouvent en périphérie des espaces morphométriques formés par ces derniers. C’est alors que se pose la question de l’existence de productions locales d’imitations (et de transfert de technologie) dans les secteurs qui ne sont pas censés être des pôles majeurs de fabrication. Ainsi, à travers l’exemple des productions métalliques de haches, la règle de fabrication semble résider dans la volonté de se rapprocher au maximum d’un modèle de référence, sans pour autant que l’imitation soit forcément parfaite. Le degré de conformité ne semble pas être la notion la plus importante, tant que, à l’oeil nu, les objets se ressemblent.

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